LA-HAUTL’ISS peut-elle devenir une victime collatérale de la guerre en Ukraine ?

Guerre en Ukraine : La Station spatiale internationale peut-elle devenir une victime collatérale ?

LA-HAUTAlors que les missiles pleuvent sur l'Ukraine, que les Occidentaux s'opposent aux Russes, la Station spatiale internationale pourrait se retrouver prise entre deux feux
Vue depuis la station spatiale internationale.
Vue depuis la station spatiale internationale. - Handout / NASA / AFP / AFP
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Alors que la guerre fait rage en Ukraine, quatre Américains, deux Russes et un Allemand cohabitent en orbite dans la Station spatiale internationale (ISS).
  • Les agences spatiales partenaires se montrent pour l’instant rassurantes.
  • Mais il n’est pas exclu que cette crise sans précédent modifie la trajectoire de cette aventure démarrée il y a plus de vingt ans.

Ils sont sept. Quatre Américains, deux Russes et un Allemand à dériver ensemble dans un tout petit espace tandis que, 400 kilomètres plus bas, des missiles pleuvent sur une Ukraine en guerre et que les dirigeants occidentaux affrontent Vladimir Poutine. Les astronautes et cosmonautes de la Station spatiale internationale (ISS) tentent-ils de fermer leurs « écoutilles » aux tensions qui déchirent leurs dirigeants respectifs ? Philippe Droneau, directeur chargé de mission à la Cité de l’Espace de Toulouse est persuadé que les compagnons de voyage gardent leur flegme spatial. « Il y a une grande solidarité dans l’espace, une sorte de code de l’espace, dit-il. La coopération internationale est la raison d’être des vols habités et l’ISS a déjà traversé des crises diplomatiques en plus de 20 ans d’existence, en 2014 notamment, au moment de l’annexion de la Crimée ».

Mais les tensions n’ont jamais été aussi exacerbées. Les déclarations faites jeudi par Joe Biden, affirmant que les sanctions prises pourraient « dégrader » à la fois l’industrie aérospatiale des Russes et leur « programme spatial » ont de quoi faire transpirer les colocataires orbitaux dans leur combinaison. Tout comme la salve de tweets rageurs qu’elles ont générée de la part de Dmitry Rogozin, le tempétueux patron de Roscosmos, l’agence spatiale russe. « Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera la station spatiale internationale d’une désorbitation incontrôlée ? », demande-t-il, relevant qu’en cas de catastrophe les débris de l’ISS ne tomberont pas sur la Russie vu qu’elle ne la survole pas.

Une interdépendance technique à bord

Techniquement, il ne s’agit pas que d’une rodomontade. L’ISS est divisée en deux modules, l’un occupé par les Russes, l’autre par les autres partenaires de l’aventure que sont les Américains, l’Agence spatiale européenne, le Canada et le Japon. Et comme l’explique dans un thread le journaliste spécialisé Pete Harding, c’est bien dans la partie russe que se situent « les éléments propulsifs » permettant de contrôler l’altitude de la station. Mais les Russes sont aussi dépendants des panneaux solaires situés à l’autre bout de l’ISS pour la fourniture d’électricité. Pour Philippe Droneau les deux segments sont « trop interdépendants » pour donner l’envie de procéder à un désarrimage. Même s’il croit les Américains « capables de développer rapidement » une alternative pour la propulsion maintenant que le capsule Crew Dragon d’Elon Musk a mis fin à une période de dépendance au vaisseau russe Soyouz pour accéder à l’ISS.

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Les agences spatiales calment plutôt le jeu. « Malgré le conflit actuel, la coopération spatiale reste un pont. L’ESA continue de travailler sur tous ses programmes, y compris sur la campagne de lancement de l’ISS et d’Exomars », a rassuré ce vendredi Josef Aschbacher, le patron de l’agence spatiale européenne, dans un tweet relayé sur le site Internet de Roscosmos, Le responsable européen précise toutefois qu’il suit de près « l’évolution de la situation ». Côté Nasa, un porte-parole a assuré à la chaîne américaine CNN qu’elle « continue de travailler avec Roscosmos et [ses] autres partenaires internationaux au Canada, en Europe et au Japon pour maintenir des opérations sûres et continues de l’ISS ».


Notre dossier sur la guerre en Ukraine

Statu-quo donc pour l’heure dans l’Espace. Mais Philippe Droneau souligne que cette crise diplomatique est « bien plus grave que les précédentes et survient sur un terreau différent ». où il n’est pas exclu que les astronautes deviennent « le jouet » de la diplomatie. L’ISS est le symbole depuis vingt ans d’une coopération spatiale internationale exemplaire. Mais, pour la Lune, « les deux blocs » ont déjà officialisé une exploration séparée. L’ISS, qui devait être abandonnée en 2024, a gagné un sursis jusqu’en 2030 « Il se pourrait que la crise actuelle accélère le divorce », avance le spécialiste et rapproche à nouveau la station d’une désintégration.

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